Charles Baron

2012 - 09 - 01 - Alain Husson-Dumoutier - IMG_2478 final« Respect »

 

Le portrait de Charles Baron est double en raison du dilemme qui le tourmente depuis les événements tragiques qu’il a vécus lors du drame des enfants Lithuaniens.

Le tableau le représente à la fois résolu et incertain.

La partie gauche bleue montre un homme décidé sachant ce qu’a été son passé.

La partie droite en rouge met en exergue ce regard intérieur à la fois interrogateur et triste

Le mot « Respect » est celui qu’il a souhaité présenter aux jeunes générations car Charles Baron est un homme de devoir.

120x90cm

Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz

Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz

CHARLES BARON Présentation

 

Capture d’écran 2015-05-08 à 21.57.34Né à Paris le 18 juillet 1926.

Arrêté à 16 ans et 2 mois à Saint Rémy les Chevreuse le 12 septembre 1942 par les Français, deux mois après ses parents et transféré à Drancy.

Il est envoyé six jours plus tard le 18 septembre 1942 par le convoi N°34 à Auschwitz. La détention s’est effectuée dans huit camps différents dont ceux d’Auschwitz, Birkenau, Dachau et Landsberg.

Libéré le 27 avril 1945 à 19 ans et deux mois pas les soldats américains, il pèse 29 kg. Après 5 mois passés dans un hôpital français pour réapprendre à marcher il est rapatrié en France.

Numéro A 17594

Monsieur Baron est encore actuellement à 83 ans un colosse de plus de 1m80. Il pratique l’humour avec grande élégance et affiche un sourire généreux. Il est suivi tendrement et avec une grande complicité par son épouse Micheline, petite femme  active et volontaire de 80 ans. Il reçoit les visiteurs chez lui. L’appartement situé au 3ème étage dans le Paris du 9ème arrondissement. Il est modeste, encombré de différents tableaux et photos. Son bureau regorge de documents concernant la Shoah.

L’accueil est chaleureux et amical. L’entretien est pourtant grave et parfois douloureux quand Charles Baron évoque son ressentiment et ses souffrances morales.

Le couple a perdu brutalement il y a deux ans une de leurs deux filles, brillante universitaire d’une rupture d’anévrisme. Le deuil n’est pas encore fait.

Quel fut votre premier acte quand vous avez été libéré ?

J’étais malade. Les Américains m’ont sauvé puis je suis rentré en France. Je dois dire toutefois qu’avant de rentrer en France j’ai été dans l’hôpital militaire français de Mainau sur le Lac de Constance et pendant que nous attendions d’être soignés dans la nuit un convoi de blessés est arrivé et l’un d’entre eux n’a pas cessé de gémir toute la nuit en disant « Pourquoi m’ont- ils fait cela ?… Je n’étais pas juif pourtant ! »

Mes parents avaient été assassinés dés leur arrivée. Mon père a servi en tant que sujet d’expérience  pour un chirurgien allemand  Johann Paul Kremer et on a l’acte de décès ce qui est exceptionnel. En effet  le même jour que mon père , 3500 juifs ont été assassinés sans une quelconque attestation. Ma mère a été gazée et a souffert pendant ¾ d’heures avant de mourir.

Quand je suis rentré il ne me restait qu’une sœur de ma mère comme famille. Et je me rappelle d’un brave homme qui s’est assis en face de moi quand j’étais chez elle et m’a dit

« Mon pauvre Charles tu ne peux pas t’imaginer comme nous avons eu faim ici  ! » Je ne pouvais rien dire.

Après j’ai fait des petits boulots pour élever ma famille. Je n’ai que mon certificat d’études. La vie a été dure et difficile et nous n’avions pas beaucoup d’argent.

Avez-vous souffert dans cette nouvelle vie ?

La vie a été difficile mais a été éclairée par l’amour de ma femme, de mes enfants et maintenant de mes petits enfants

Avez-vous un mot une phrase, un chiffre qui vous aient marqué ?

Le  2 et le 7 reviennent dans ma vie et je les retrouve à maintes occasions.

Mais ce que je retiens c’est  l’horreur. Il n’y a pas  de mots pour décrire ce qui s’est passé.

Le 31 juillet 1944. le camp a été illuminé de nuit  à giorno. Il faut dire que quelques semaines plus tôt 100 enfants juifs sont arrivés au camp en provenance de  Lituanie. On ne les avait plus vus et ce soir là, les SS ont fait une cérémonie. Ils les ont habillés de chemises blanches longues montant jusqu’au cou et les ont fait défiler devant  tous les prisonniers du camp en les entourant de sentinelles armées. Ils ont ainsi défilé devant nous et ont fait le tour du camp. J’étais avec les Russes et il en faut pour faire pleurer un officier russe, mais il pleurait en disant « on dirait des anges »

Et ces anges, les SS les ont conduits au four…

Comment voulez vous que je n’ai pas la haine ?

Plus tard quand j’ai été libéré j’aurais pu prendre un revolver et le vider sur les SS qui étaient dans un coin. Est-ce que cela aurait été un bien ou un mal ? Ces hommes qui se sont distraits en tuant des enfants ! Je ne l’ai pas fait et je me demande encore si  je n’aurais pas dû le faire…

Charles Baron reste pensif pendant un certain temps. On le sent dans la souffrance de cet acte qu’il regrette et ne regrette pas en même temps.

Quel message pouvez-vous et voulez-vous  laisser aux jeunes ?

Je crois en l’homme.

Car s’il y a des salauds il ya aussi des hommes exceptionnels.

J’ai rencontré dans un camp un homme qui avait deux ans seulement de plus que moi. C’était un juif polonais Max Przepiorka qui avait été dans plusieurs camps en Belgique en France et il était interné avec moi. Nous faisions caisse commune. Nous avions réussi à économiser 30 cigarettes et une cigarette valait un jour de nourriture. Et moi,  un jour, on m’a donné inexplicablement 8 jours de repos et là je suis tombé sur deux arnaqueurs qui m’ont escroqué en jouant aux cartes et j’ai tout perdu, mes cigarettes et celles de Max.

Pour cela j’aurais pu mourir. On pouvait mourir pour une telle bêtise. Et j’étais honteux et inquiet de dire à Max ce qui était arrivé. Il m’a regardé et a dit ;

« Tu vois plus jamais tu ne joueras pour de l’argent »

J’ai tenu parole.

 Il a disparu ensuite car il est parti pour Auschwitz et avait la tuberculose.
Plus tard dans Paris j’ai cru le voir en vélo et je ne l’ai pas appelé. Je l’ai ensuite cherché dans le Bottin. Il y avait son nom mais ce n’était pas lui. C’était un être extraordinaire.

Mon dernier message aux jeunes c’est RESPECT et AMOUR, mais respect d’abord ;« Il ne faut pas avoir peur de la mort car elle fait partie de la vie. L’espérance est là puisque la vie est belle. On doit respecter la vie de l’autre. »

Conclusion

Cet entretien qui s’est déroulé en présence de sa femme était couplé à une interview de notre contact commun Madame Anne Nerdrum, qui l’interrogeait pour Amnesty International. C’est la raison de ses manques et des incertitudes car Monsieur Baron était fatigué au bout de trois heures et la tension à la fin était extrême.

Toutefois en temps habituel, le sourire merveilleux et le sens inaltérable de l’humour montrent un être de chair,  de sang et de cœur. Il donne sans réserve son temps aux jeunes pour montrer la voie. Monsieur Charles Baron est un exemple.

N.B. Il faut savoir que Mr et Mme Baron sont hostiles aux nazis mais pas aux Allemand ,Ils ont été les témoins de jeunes mariés Allemand et les reçoivent désormais avec leurs enfants quand ils viennent à Paris…

Commentaires de l’Artiste sur le tableau

Le portrait de Charles Baron est double en raison du dilemme qui le tourmente depuis les événements tragiques qu’il a vécus lors du drame des enfants Lithuaniens.

Le tableau le représente à la fois résolu et incertain.

La partie gauche bleue montre un homme décidé sachant ce qu’a été son passé.

La partie droite en rouge met en exergue ce regard intérieur à la fois interrogateur et triste

Le mot « respect » est celui qu’il a souhaité présenter aux jeunes générations car Charles Baron est un homme de devoir.

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le 27 janvier 2014 à l’UNESCO lors de l’exposition sur les Rescapés de la Shoah.

Monsieur Charles Baron avec Madame Regine Jacubert

[youtube]http://youtu.be/JmqgUIC2JRM[/youtube]



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