Victor Perahia

2012 - 09 - 01 - Alain Husson-Dumoutier - IMG_2474 final« Faut y croire »

 

Faut y croire est une sorte de conjuration. Victor Perahia lorsqu’il va à Auschwitz, arrive sur le quai et marche en ayant à gauche son père et à droite son grand-père. Tout deux furent exterminés.

Le sourire à peine esquissé montre qu’il a su dominer les souffrances rencontrées au cours de son existence. Il était également necéssaire de mettre en valeur le regard à la fois résolu et triste de Victor Pérahia.

120x90cm

Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz

 

 

 

VICTOR PERAHIA Présentation

 

Capture d’écran 2015-05-08 à 22.16.03Né à Paris le 4 Avril 1933.

Arrêté à 9ans avec ses parents à Saint Nazaire le 15 juillet 1942, transféré 48 heures plus tard au camp d’Angers.

Son père part directement d’Angers le 17 juillet 1942 à Auschwitz par le convoi numéro 8. On ne le reverra jamais.

 Victor est transféré près de Tours au camp de la Lande avec sa mère, puis le 5 septembre 1942 il  est transféré au camp de Drancy.

 Il est déporté ensuite à Bergen Belsen près de Hanovre. Début avril 1945 un convoi est formé « le train fantôme » qui erre en Allemagne. Atteint du Typhus il va mourir quand sa mère lui donne la vie pour la seconde fois.

 Il est libéré le 23  avril 1945. Le 29 juin 1945 il est à Paris à l’hôtel Lutétia avec sa mère.

Victor Perahia a écrit un ouvrage sur sa vie de déporté intitulé Mon enfance Volée éditée par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

La première année de retour qu’avez-vous fait ?

J’avais treize ans, j’étais malade. J’avais d’abord contracté dans le train fantôme le typhus et en rentrant à Paris, après avoir été soigné, on a découvert que j’étais tuberculeux. J’ai donc dû me soigner pendant deux ans car il n’existait pas à l’époque de produit très efficace pour guérir de cette maladie. J’ai subi un pneumothorax.

Quand êtes vous revenu à la vie après votre libération ?

Il faut dire que ce voyage en train en avril 1945 était épouvantable, atroce. Paris avait été libéré en Août 1944 et nous ne savions pas où nous allions. Nous n’avions rien à manger, rien à boire, en revanche, les wagons n’étaient pas scellés. Aussi à chaque arrêt, nous sortions pour trouver de la nourriture et bien souvent nous mangions de l’herbe. Aussi le 22 avril 1945, alors que jusqu’à ce moment-là j’étais sûr de « m’en sortir », je voulais mourir, épuisé par le typhus. Alors ma mère m’a dit « Victor, si tu m’aimes, ne meurs pas ». Je me suis battu pour elle contre la mort. Et le lendemain nous étions libérés. Ce sont les Russes qui nous ont libérés et heureusement les cavaliers avaient un corps médical qui nous a soignés. Je n’ai pas pris conscience ce jour-là de ma liberté. Ce n’est que lorsque je suis arrivé à Paris, le 29 juin 1945, et que j’étais debout, à l’arrière de l’autobus, sur la plateforme, pour aller à l’hôtel Lutetia, que j’en ai pris conscience. J’ai senti cette liberté que j’aimais tant, à laquelle j’ai rêvé tant de fois venir en moi par bouffée. J’étais enfin « comme les autres ».

Quelle est la phrase qui vous a permis de tenir ?

 « FAUT Y CROIRE ». Entre d’autres termes avoir la volonté et le mental te fait réussir. Durant toutes ces années je savais que j’en sortirais sauf ce fameux jour du 22 avril 1945 et quand j’étais à Drancy, pendant un an, alors je n’avais rien à faire et que j’avais neuf ans, j’allais très souvent sur le toit d’un des bâtiments pour voir les gens vivre normalement alors que j’étais prisonnier et là je voyais la liberté. La liberté est le maitre-mot pour moi.

Il faut comprendre pourquoi je suis resté exceptionnellement un an à Drancy et pourquoi je n’ai pas été séparé de ma mère. En fait, nous n’étions pas astreints au travail et les Allemands avaient une obligation. Premièrement, on ne séparait pas les mères des enfants. Deuxièmement notre convoi n’a pas été à Auschwitz mais à Bergen Belsen où se trouvait Anne-Franck. A Bergen Belsen, il n’y avait pas de chambre à gaz, c’était un camp de travail. Cela ne nous a pas empêché de souffrir épouvantablement de la faim et surtout du froid quand en hiver nous devions rester debout dans la boue sous la neige par moins dix degrés pour l’appel qui durait des heures. Drancy était un camp de triage. On réunissait mille personnes et on faisait un convoi. Mais on ne déportait pas les Juifs en provenance de pays alliés des Allemands. Par exemple, les Roumains, les Turcs, les Espagnols. Deuxièmement, on ne déportait pas les conjoints d’Aryens. Troisièmement, les femmes de prisonniers de guerre n’étaient pas non plus déportées. Or, grâce à un ami, ma mère apprenant par cœur la vie d’un parent de cet ami, a pu faire croire aux Allemands qu’elle était la femme d’un Aryen prisonnier de guerre. C’est ainsi que nous avons pu rester à Drancy. En résumé, l’ensemble de ces individus qui restait à Drancy servait d’otages éventuels en cas de transaction.

Quelles ont été vos préoccupations essentielles lors de votre retour ?

Il fallait d’abord que je sois comme tout le monde. Tous les enfants de mon âge avaient fait des études et moi j’étais inculte. Je n’avais pas été à l’école pendant quatre ans. Il fallait que je  rattrape tout le temps perdu et que je devienne un élève comme les autres. Heureusement j’avais ma mère et mon frère qui lui, n’avait pas été déporté. Mon grand-père était venu le chercher à Saint Nazaire sentant que les événements étaient de plus en plus graves pour les juifs et l’avait caché. J’ai donc à l’instigation de ma mère qui avait confiance en moi, après le sanatorium, été élève en quatrième alors que je ne savais rien. J’avais une excellente mémoire heureusement et je savais que je ne pouvais pas rattraper le retard accumulé pendant toutes ces années. Mais à force de volonté, et grâce à ma mémoire, j’ai comblé mon  handicap et j’ai quand même pu passer le BAC. Mais je reste encore aujourd’hui conscient de mes lacunes.

Avez-vous subi des moments de découragement dans cette nouvelle vie ?

Oui et surtout de désillusion car j’ai eu un associé à un moment dans ma vie et cet associé en qui je croyais infiniment m’a abandonné et s’est montré différent de ce que je croyais de lui. Ce n’est pas à proprement parler un découragement mais surtout une désillusion.

Qu’avez vous le mieux réussi dans cette vie ? Avez-vous une passion déterminante ?

Je crois que c’est ma famille. Je me suis marié très jeune, à vingt ans, avec une jeune fille appelée Rosette et nous sommes mariés depuis 51 ans maintenant. Nous étions pauvres l’un et l’autre et nous avions vécu dans une chambre de bonne et le plus beau jour de ma vie fut lorsque ma fille Sylvie est née un an après notre mariage. Là, je me suis senti responsable de cet enfant.

Aujourd’hui que pensez vous de la vie en général ? De votre vie en particulier ?

Je suis à l’heure des bilans aujourd’hui. Il y a des côtés positifs et des côtés négatifs. Le côté négatif, c’est Mon enfance volée, éditée à compte d’auteur, pour transmettre à ceux que j’aime, ce que j’ai vécu. Et je l’ai écrit pour être « comme tout le monde ». J’ai voulu oublier mais je n’ai pas oublié. J’ai été marqué. On a été marqué. MON PASSE EST PRESENT. Je ne peux pas y échapper, je ne suis pas comme tout le monde. Ce livre a été écrit parce que je ne pouvais pas parler à mes enfants. Je leur ai écrit car mon silence les avait perturbés.

En ce qui concerne ma vie, je l’ai réussie en partie mais je n’ai pas été ce que j’aurais voulu être. J’aurais voulu être un « intello » et si je suis dans le monde de l’Art, à travers mon métier, c’est parce que c’est un commerce que je maitrise bien. Je ne vends pas forcément les œuvres que j’aime, mais je collectionne, c’est vrai.

Sur le côté positif de cette vie, pour moi c’est la famille qui est le ciment de la vie. A telle enseigne, que mon fils et ma fille qui ont fait des études, travaillent avec moi, et que je suis très proche de mon frère Albert qui m’a toujours soutenu. Albert est à la retraite aujourd’hui, il a été dentiste, il m’a toujours beaucoup aidé. Ma fille est exceptionnelle également car à dix-huit ans, elle est partie en kibboutz puis a fait son service militaire en Israël. Elle est revenue en France et a connu un réalisateur de télévision et ils ont trois enfants. Mes petits-enfants ont 20 ans, 19 ans et 8 ans.

Quels conseils pouvez- vous donner aux jeunes d’aujourd’hui ?

Vivre. Que c’est beau la vie. Mais cette vie que l’on préserve, il faut être vigilant. Tout peut recommencer. Tout peut se reproduire. Il n’y a pas de limites à la cruauté de l’homme et il faut lutter avec tous nos moyens contre toute forme d’intolérance et toute atteinte aux droits élémentaires de l’homme.

Conclusion

Cet entretien se déroule très facilement et dans un esprit d’intelligence et de compréhension. A plusieurs reprises, l’émotion est palpable notamment lorsque M. Pérahia parle de sa maman qui fut vraiment la personne la plus importante de sa vie, constamment présente auprès de lui, et qu’il regrette de ne pas avoir suffisamment aimée pour lui laisser refaire sa vie. Il faut souligner toutefois que malgré ses recherches constantes, Victor Pérahia n’a jamais pu retrouver trace de son père. Comme ce père  était fort et résistant, il est vraisemblable qu’il n’ait pas été gazé tout de suite en arrivant à Auschwitz mais qu’il ait été placé dans un commando. Victor Perahia n’a jamais retrouvé trace de sa présence dans le camp. Ce mystère continue à le hanter.

Commentaires de l’Artiste sur le tableau

Faut y croire est une sorte de conjuration. Victor Perahia lorsqu’il va à Auschwitz, arrive sur le quai et marche en ayant à gauche son père et à droite son grand-père. Tout deux furent exterminés.

 Le sourire à peine esquissé montre qu’il a su dominer les souffrances rencontrées au cours de son existence. Il était également nécessaire de mettre en valeur le regard à la fois résolu et triste de Victor Perahia.

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Préparation dans l’atelier

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Le 27 janvier 2015. M.Victor Perahia reçoit la médaille d’or de la ville de Paris,

des mains  du maire 10ème arrondissement : M. Remi Féraud



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