Préfaces
Préface De Mme Irina Bokova
Directrice générale de l’UNESCO
Pour le travail
« Courage, volonté, vie : les Rescapés de la Shoah »
de M. Alain Husson-Dumoutier,
Artiste de l’UNESCO pour la paix
L’UNESCO a fait de l’enseignement de l’Holocauste une dimension essentielle de la construction de la paix dans l’esprit des hommes et des femmes. A mesure que les survivants disparaissent, la mémoire vécue de l’Holocauste s’efface peu à peu et notre responsabilité vis-à-vis des générations futures s’accroît. Plus que jamais, nous devons redoubler d’efforts pour transmettre cette histoire et lutter contre toutes les formes de négationnisme.
La transmission des témoignages est un aspect central de cet effort. Les artistes doivent y jouer tout leur rôle, révélant une vérité des émotions et des enjeux souvent complémentaire de la recherche historique. L’effort d’appréhension de l’Holocauste, entreprise sans précédent visant la destruction du peuple juif, nous conduit jusqu’aux racines du mal. Longtemps la parole des rescapés s’est heurtée à l’indifférence, à la gêne, voire à l’incrédulité. Cette parole, l’artiste lui restitue sa profondeur chaque fois unique, et ce faisant il en souligne la portée universelle. Les témoins ont tous vécu l’expérience de la perte, du traumatisme et de la violence de manière différente. Les victimes disparues portaient toutes un nom, avaient une famille, des amours et des amitiés, des joies et des chagrins. Les nazis tentèrent d’effacer jusqu’à la trace de leur existence : l’œuvre d’art nous restitue leur présence pour rendre à ces personnes leur place dans la marche de l’humanité.
Dans cette perspective, le travail intitulé « Courage, volonté, vie : les Rescapés de la Shoah » réalisé par Alain Husson-Dumoutier, Artiste de l’UNESCO pour la paix, revêt une importance particulière. L’œuvre d’Alain Husson-Dumoutier est d’abord une réflexion sur la vie et non seulement sur la mort, même si la vie se poursuit parfois dans la culpabilité d’avoir survécu quand d’autres ont péri, vie tendue par une volonté de redevenir le maître de son existence. Les mots de cet ouvrage portent un message humaniste, un appel à cultiver la meilleur de l’humain – le courage, la volonté, la vie – dans la conscience qu’il est capable du pire.
L’UNESCO y souscrit pleinement et se mobilise à travers son programme international pour l’enseignement de l’Holocauste. La transmission de cette histoire commence à l’école auprès des jeunes, par la formation des professeurs et la conception de programmes scolaires, partout dans le monde. L’UNESCO s’engage aux côtés de nombreuses institutions spécialisées partenaires, afin de partager les ressources éducatives, développer des connaissances qui aideront les élèves à devenir plus tolérants, les sensibiliser aux violations des droits de l’homme et aux menaces des génocides dans notre monde contemporain. Il n’y a pas de fondements plus solides à l’édification d’une paix durable.
Irina Bokova
Préface de Beate et Serge Klarsfeld
Les grand peintres ont souvent créé volontairement des œuvres appartenant à des séries : les madones de fra Angelico ou de Raphael, les autoportraits de Rembrandt, les vues de Venise de Canaletto, les Nymphéas de Monet. Le même thème incessamment renouvelé et qui exprime la recherche par le peintre de la vérité du sujet et de sa propre vérité.
AHD, artiste de l’unesCo pour la paix, a rencontré 35 rescapés de l’univers concentrationnaire de la Shoah. Ils ont traversé l’enfer, perdu des êtres qui leur étaient chers, souffert dans leur chair et dans leur cœur. Il lui fallait percer leur mystère : qu’avaient ils retenu, soixante ans plus tard, de cette indicible expérience où les bourreaux voulaient à la fois les mettre à mort et les priver de la dignité humaine. Il s’agissait de découvrir pour chacun de ces survivants son authenticité et de retirer de leur confrontation une leçon de morale humaine et politique : ces femmes et hommes qui s’étaient affrontés avec le diable et ses kapos avaient-ils perdu foi en la nature de l’homme et en l’avenir pacifique de l’Humanité ? La violence qui les avait torturés les avait-t-elle submergés à jamais et fait sombrer dans le pessimisme ? Le bourreau les avait-t-il corrompus et fait basculer dans la haine et la vengeance ?
non. Les messages transmis par le petit nombre de ceux qui, en 1945, ont émergé de cette pla- nète interdite qu’était Auschwitz-Birkenau, de ce trou noir de la galaxie humanité ; ces messages qui représentent ce qu’il y a au plus profond de chacun d’entre eux et qui ont été captés par le si sensible récepteur qu’est AHD; chacun de ces messages est un pavé de la voie du courage, de la volonté et de la vie. Certes ces qualités peuvent aussi être celles du Mal quand elles sont mal employées et les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices comme des plus grandes vertus mais dans le cas de ceux qui ont encore la terre d’Auschwitz sous leurs pieds et dans leurs cauchemars, ces qualités servent la cause de l’humanisme et de la paix. Leurs mots les plus précieux, recuillis par AHD, sont là pour l’exprimer : « Pardonner pour vivre, rester digne, construire, aimer, savoir donner pour recevoir, faire le bien, liberté, vigilance, ne pas oublier, être humain, pas de racisme, aimer les gens, aimer… »
Le génie d’AHD a été de s’attacher à ses modèles et de comprendre qu’ils faisent parie d’une espèce rarissime en voie de disparition et souvent réticente à se livrer. Il s’est immergé au fond de chacun d’eux comme un spéléologue de leur âme douloureuse et pour chacun d’eux, il a eu la vision de ce qu’il était réellement devenu après cette terrifiante expérience de la survie dans un camp nazi d’extermination.
Grace à AHD, chacun des 35 a un portrait qui lui ressemble plus que la plus expressive des photos. Il ne s’agit pas d’une peinture abstraite ou symbolique ; il s’agit d’une peinture nouvelle, audacieuse, intuitive et déductive, qui permet de déchiffrer pour chacun des personnages, son parcours intime et son héritage le plus sacré.
Cet héritage collectif AHD l’a rassemblé et ses expositions éclaireront désormais les visiteurs et les guideront vers les valeurs que les survivants ont élaborées et qu’ils voudraient voir défendues et victorieuses. Pour deux d’entre eux AHD a choisi « soleil de Birkenau » et « soleil d’Auschwitz » ; nous sommes certains que ce sera le message de cette extraordinaire exposition : malgré l’horreur, il y avait un soleil au-dessus d’Auschwitz-Birkenau, celui des hommes qui n’avaient pas renoncé à rester des êtres humains.
Préface De Jean-Pierre SERVEL
Grand Maitre de la Grande Loge Nationale Française
C’est un honneur pour les Francs-maçons de la Grande Loge Natio- nale Française, que je représente, de préfacer le catalogue de l’œuvre puissante d’Alain Husson-Dumoutier. Un ouvrage de 7 années pour rendre hommage aux victimes de la Shoah.
Dédiée à tous ceux qui font œuvre de paix, elle est avant tout un envoutant témoignage des ressorts infinis de la personne humaine qui, confrontée au pire, immolée, détruite, renait à la vie, pardonne et se reconstruit.
Alain Husson-Dumoutier porte avant tout une formidable espérance car il croit en l’avenir des individus comme de l’humanité.
Il prend parti pour la vie et s’attache à lui donner un sens.
Il porte un désir, un appel, une élévation au dessus de soi-même.
Il porte une lumière.
Juifs, tziganes, homosexuels et francs maçons on été poursuivis, emprisonnés, exterminés par les Nazis. La haine du IIIème Reich pour la maçonnerie a bien un lien direct avec l’antisémitisme. Dès 1935 la maçonnerie fut dissoute en Allemagne. En France, le régime de Vichy, au nom du « complot maçonnique permanent », l’interdira, la pourchassera, fichera les maçons et les déportera.
Un destin solidaire de celui des victimes de la Shoah… moment à jamais gravé dans l’histoire des hommes.
Nous, maçons, ayant souffert dans nos chairs, sommes emplis d’une infinie compassion envers tous ces rescapés de la shoah qu’Alain Husson-Dumoutier a rencontrés, peints.
Certains ont rejoint la maçonnerie…
A ces troismots mis en exergue par l’auteur « Courage, volonté et vie », nous répondons en écho « solidarité, compassion et compréhension ». Merci à Alain Husson-Dumoutier d’associer les Francs-maçons à son œuvre de mémoire et d’espoir.