Maxi Librati

2012 - 09 - 01 - Alain Husson-Dumoutier - IMG_2497« Santé »

 

Maxi Librati a Ă©tĂ© formĂ© pour ĂȘtre forgeron. ArrĂȘtĂ© et dĂ©portĂ© il a toujours cru en sa chance. Au retour des camps, il s’est lancĂ© dans les affaires. Il est devenu un important chef d’entreprise dans le textile et sa gĂ©nĂ©rositĂ© pour les Ɠuvres est lĂ©gendaire.

J’ai voulu reprĂ©senter les 3 Ă©tapes de la vie de Maxi Librati en montrant l’histoire de sa main droite: le poing du forgeron, puis la main de l’entrepreneur qui devient celle d’un mĂ©cĂšne lorsqu’elle distribue l’or.

120x90cm

Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du dĂ©barquement, Terre d’Auschwitz

120x90cm

Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du dĂ©barquement, Terre d’Auschwitz

Capture d’écran 2015-07-18 Ă  23.20.10MAXI LIBRATI  PrĂ©sentation

 

NĂ© le 5 FĂ©vrier 1925 Ă  Lyon.

ArrĂȘtĂ© le 4 juillet 1943 Ă  Lyon dans le train par les SS, transfĂ©rĂ© Ă  Drancy.

Part le 2 septembre 1943 pour Auschwitz dans le convoi  numéro 59.

Il porte le numéro 145922. En janvier 1944, il contracte le typhus. Il fait la marche de la mort en juillet 44. Le 4 août, il arrive Dachau. Il est délivré par les Américains, il revient en France le 22 mai 1945 et pÚse 29 Kgs.

Quand vous ĂȘtes vous senti libre ?

Je me suis toujours senti libre. J’attendais. Je savais que je serai libĂ©rĂ©. Pas un seul instant,  je me suis inquiĂ©tĂ©.  Quand  j’étais Ă  Drancy,  un homme a dit en voyant les lignes de ma main «  Vous avez de la chance, vous allez faire un long voyage, mais vous allez revenir ». J’avais 18 ans et  cette phrase est toujours restĂ©e en moi.

Vous ĂȘtes croyant ? Car  la Thora refuse les pythonisses ?

Je ne suis pas pratiquant, mais je crois en Dieu. Je ne suis pas le shabbat mais je suis les fĂȘtes principales.

La premiĂšre annĂ©e de retour qu’avez-vous fait ?

La premiĂšre chose que j’ai faite fut de penser Ă  mes parents. OĂč sont mes parents ?

J’ai attendu au LutĂ©tia mais je n’avais pas de nouvelles.

Il a fallu que je rentre Ă  Lyon, mes parents Ă©taient lĂ . Ils n’habitaient pas Ă  la mĂȘme adresse rue Anatole France, mais quel  bonheur de me revoir, ils n’avaient pas perdu espoir.

Je n’ai pas continuĂ© le mĂ©tier que j ‘avais appris : serrurier-forgeron.

Je n’en avais plus l’envie, ce mĂ©tier ne me convenait pas. Et je ne voulais surtout plus avoir les mains sales.

J’ai dĂ©cidĂ© de m’occuper de vĂȘtements, une famille les KIMMEL qui m’avaient pris comme filleul de guerre, avaient une boutique au coin de la rue RĂ©aumur. Une maison de textile. Et  j’ai commencĂ© Ă  travailler comme vendeur de tissu pendant 2 Ă  3 ans. J’avais des  mĂ©thodes de vente originales : le troisiĂšme mĂštre Ă©tait gratuit par exemple.

En tant que reprĂ©sentant de tissu,  j’ai rencontrĂ© une personne Liliane et sa sƓur Colette. Liliane est devenue mon Ă©pouse en octobre 1955, j’avais 30 ans et notre fille Patricia est nĂ©e en juillet1956.

Puis j’ai quittĂ© la maison  dans laquelle je travaillais et me suis installĂ© chez mes beaux parents EDELSZTEJN rue d’Aboukir comme vendeur de prĂȘt Ă  porter fĂ©minin. Puis un jour j’ai voulu mon indĂ©pendance,  j’ai achetĂ© la boutique d’en face, c’était en 1963, et je venais de divorcer.

Quelle est la phrase, le mot, la musique, la couleur, la personne qui vous a fait tenir dans toutes vos épreuves ?

Surtout la chance. La chance d’avoir rencontrĂ© Madame KIMMEL qui m’a appris mon mĂ©tier. Oui mais surtout la chance de vivre, d’ĂȘtre vivant, d’ĂȘtre lĂ  encore aujourd’hui. La chance d’avoir  eu de tels parents, ils Ă©taient exceptionnels : mon pĂšre Ă©tait un simple manƓuvre, un ouvrier qui travaillait Ă  Saint Fons. il avait beaucoup de respect de la famille. Mes parents Ă©taient sacrĂ©s.

La chance aussi d’avoir eu des protections, comme des rabbins vĂ©nĂ©rĂ©s par ma famille qui venaient du Maroc, de Taroudant et Marrakech.

NDLR en dehors de ses parents Maxi Librati avait 15 frùres et sƓurs.

J’ai pu connaitre PINHAS COHEN entre 1954 et 1956, il avait dit à mes parents  lorsque je suis parti que je reviendrai des camps.

Ce rabbin Ă©tait respectĂ© autant par les juifs que par les musulmans, il Ă©tait aurĂ©olĂ© d’une grande spiritualitĂ©.

Et la souffrance ?

J’ai toujours pensĂ© que cela allait s’arranger, que ce que je vivais allait passer comme cela Ă©tait venu. Je ne me faisais aucun souci, j’avais confiance en mon Ă©toile.

Comment considĂ©rez-vous votre vie aujourd’hui ?

La plus belle des choses dans la vie c’est la santĂ©. Il faut ĂȘtre en bonne santĂ©. Je ne suis pas matĂ©rialiste, la santĂ© c’est l’essentiel. Ma vie ? C’est une vie comme tant d’autres  je suis croyant chacun a son destin. Je ne changerai rien de ce que j’ai vĂ©cu, mĂȘme pas les camps. Les camps s’était un passage dans la vie. J’ai eu la chance d’échapper Ă  la mort. Je n’ai aucun regret. Si je devais refaire ma vie je la referais de la mĂȘme façon.

Je n’ai jamais eu de cauchemars,  je dors bien et j’aurai un jour 120 ans, car il suffit de le vouloir pour les avoir.

Mais pourtant, vous avez fait la marche de la mort ?

Oui. Mais je savais qu’il fallait toujours ĂȘtre devant, jamais derriĂšre. Car devant  tu gĂšres. Ceux qui Ă©taient derriĂšre, les SS les descendaient. Et quand on est devant on mĂšne le rythme.

J’ai aujourd’hui 2 enfants, 3 petits-enfants et mĂȘme un arriĂšre petit enfant. C’est cela ma chance.

Le mot amour intervient-il dans votre vie ?

Oui, j’aime mes frĂšres, mes sƓurs, ma famille. Mais j’ai aimĂ© aussi travailler. J’étais toujours au travail. J’adorais ce monde. J’ai crĂ©e « La Gaminerie », et j’ai mĂȘme eu des boutiques en franchise dans le monde entier. J’aime la crĂ©ation. On a envie d’aller de l’avant, de connaitre


Capture d’écran 2015-07-18 Ă  23.20.25

avec son fils Thierry

L’Art est-il important pour vous ?

Oui, si  je vois un tableau qui me plait je l’achùte je ne revends jamais, je garde ce que j’achùte. Il fait partie de ma vie, de mon entourage.

Et Israël ?

Je n’ai jamais eu envie d’aller m’installer en IsraĂ«l bien que j’y ai sĂ©journĂ© Ă  de trĂšs nombreuses reprises tout autant pour mon travail que pour le plaisir. Je suis lyonnais de parents d’origine du Maroc, venus en France en 14-18. Je suis nĂ© Ă  Lyon dans le 2Ăšme arrondissement, le 5 fĂ©vrier 1925.

Quel est le message que vous voulez transmettre aux jeunes ?

Soyez en bonne santĂ©, c’est le plus beau cadeau que l’on puisse recevoir.

Commentaires

L’entretien se dĂ©roule d’une façon dĂ©tendue et Mr Librati ne donne plus de dĂ©tails sur les moments de son incarcĂ©ration. Pourtant son expĂ©rience est Ă©pouvantable.

Le livre qui parle de son aventure retrace les faits suivants :

Il ne dit pas qu’à son retour à Paris il pesait 29 kg.

Son expĂ©rience  des camps commença par son arrestation le dimanche 4 juillet 1943, lorsqu’il est arrĂȘtĂ© par les SS dans le train. Il est interrogĂ© par les Allemands Ă  la PrĂ©fecture de police et ensuite incarcĂ©rĂ© Ă  la prison du Fort Montluc.

Le 29 juillet 1943 il est dirigé sur le camp de Drancy, entre temps, sa famille grùce à un certain Mr Amblard, est installée dans une propriété à la Tour du Pin, ce qui la sauvera.

Le 1er aoĂ»t Ă  4h30 Maxi arrive Ă  Drancy. Le 2 septembre il part dans un train aux wagons plombĂ©s dans le convoi numĂ©ro 59  pour  Auschwitz, il a 18 ans. Il arrive le 5  aoĂ»t Ă  l’aube.

Au moment de la sĂ©lection Ă  l’arrivĂ©e il annonce qu’il est serrurier-forgeron : « schlosser ».

Il a la chance d’ĂȘtre parmi les 200 personnes Ă©pargnĂ©es de ce convoi, tous les autres furent gazĂ©s et brĂ»lĂ©s. On lui tatoue son numĂ©ro 145922. Puis un jour, il est envoyĂ© au ghetto de Varsovie, qui a Ă©tĂ© complĂštement dĂ©truit pour rĂ©cupĂ©rer tous les matĂ©riaux qui peuvent servir aux Allemands.

3000 dĂ©portĂ©s sont installĂ©s dans des baraques et leur rĂŽle en petits groupes accompagnĂ©s d’un SS et d’un supplĂ©tif polonais, est d’amasser et de tailler les briques des murs effondrĂ©s.

Capture d’écran 2015-07-18 Ă  23.20.44

Le ghetto de Varsovie pendant l’insurrection avant l’incendie

Avril- juin 1943 (image d’archives)

NDRL : le film « le Pianiste «  de Roman Polanski montre un travail identique effectué par des prisonniers.

Puis un jour Maxi doit faire partie du « Todt  Kommando » chargĂ© d’incinĂ©rer les cadavres : les corps sont empilĂ©s entre des couches de sciure et de foin et arrosĂ©s d’essence.

En janvier 1944 Maxi contracte le typhus, il a 41 degrĂ©s de fiĂšvre et il va  au » Revier », l’antichambre de la mort. Mais la chance lui sourit, raconte Maxi, le « Block Alterster » qui est  homosexuel  lui demande de faire sa chambre. TrĂšs organisĂ© Maxi se rend indispensable,  par son expĂ©rience de fils ainĂ© d’une grande famille il savait laver, repasser, coudre, frotter les parquets et faire la cuisine.

Le chef du Block est trĂšs satisfait et demande qu’il reste Ă  son service. En juillet 1944 les Russes avancent et c’est la marche de la mort. Les invalides sont Ă©liminĂ©s les autres doivent marcher en direction de Dachau en Allemagne; Maxi  part  le 29 juillet 44 Ă  pied. Trois jours plus tard il arrive Ă  Kovno en Lituanie.

Le 4 aout  1944 il arrive à Dachau. Puis il part pour Allach  et il est délivré par les Américains. Le 22 mai 1945 il est dirigé vers la France.

Conclusion

L’ensemble de l’entretien ne retrace pas les souffrances que Maxi a du subir, et qu’il semble aujourd’hui oublier. Il a souffert  terriblement des camps Ă  la fois moralement et physiquement. Toutefois, sa force intĂ©rieure, son courage, sa volontĂ© d’en sortir et son amour de la vie ont pris le dessus constamment. Personnage au parcours exceptionnel qui , par son enthousiasme montre un  exemple positif extraordinaire.

Commentaire suer le tableau

Ouvrier serrurier au dĂ©part ,Maxi Librati est un manuel douĂ© d’une grande force. Le tableau montre d’abord le poing de l’ouvrier  qui s’ouvre ensuite environnĂ© d’or car Maxi Librati fut au retour des camps  un grand homme d’affaires reconnu et apprĂ©cie, crĂ©ateur d’une franchise textile rĂ©putĂ©e. Mais  il n’a pas oubliĂ© et il est devenu l’un des grands donateurs du musĂ©e de Yad Vashem en Istael.

Capture d’écran 2015-07-18 Ă  23.20.56

Deux rescapĂ©s d’Auschwitz : Regine Jacubert et Maxi Librati le 27 janvier 2015 Ă  la mairie de Paris recevant la mĂ©daille de la ville cĂ©lĂ©brantle 70 Ăšme anniversaire de la libĂ©ration des camps

[youtube]http://youtu.be/AR08TL7DTnU[/youtube]



Les commentaires sont fermés.

fr_FRFrançais