Francine Christophe

2012 - 09 - 01 - Alain Husson-Dumoutier - IMG_2486« La Vie est Belle »

 

Les bleus dominent dans ce tableau puisque le blanc lui- même est bleuté.
La structure en rectangle et en carrés permet avec le cercle central de donner un équilibre qui correspond parfaitement bien à la personnalité de Francine Christophe. La phrase qu’elle a souhaité mettre en avant « La vie est belle », figure sur l’œuvre, tout comme l’évocation des oiseaux de la liberté.

120x90cm

Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz

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Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz

120x90cm Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz

Capture d’écran 2015-07-05 à 16.52.45FRANCINE CHRISTOPHE Présentation

 

NĂ©e le 18 aout 1933.

Arrêtée le 26 Juillet 1942 à 8ans et demi à Larochefoucauld  avec sa mère par l’armée allemande, elle est  internée successivement, en tant que fille de prisonnier français, dans les prisons de Larochefoucault, Poitiers, Beaumont la Rolande, Drancy et enfin Bergen-Belsen.

Libérée le 23 Avril 1945.

Madame Christophe est grande, mince, élégante – toujours en bleu, sa couleur fétiche.

Elle est l’amie de Victor Perahia avec qui elle a été emprisonnée à Bergen Belsen. Mariée depuis 51 ans avec Monsieur LORCH, elle a 2 enfants, un garçon et une fille, et 4 petits-enfants : 24, 22, 18 et 14 ans qui sont le soleil de sa vie. Elle s’estime « privilégiée » parmi les rescapés. Elle intervient fréquemment dans les écoles de la région de Versailles et se trouve soit être l’auteur soit la responsable d’édition des ouvrages suivants :

–       Une petite fille privilĂ©giĂ©e : Ă©dition de l’Harmattan

–      Après les camps, la vie : Ă©dition de l’Harmattan

–      Souvenir en marches :(nouvelle) Ă©dition de l’Harmattan

–      Guy s’en va : Ă©dition de l’Harmattan

–      La fĂŞte inconnue : Fondation de la mĂ©moire de la Shoah

–      Mes derniers rĂ©cits : (nouvelle) Ă©dition de l’Harmattan

–     Une famille dans la guerre, Ă©change de courrier entre Marcel et Robert Christophe, tous les deux prisonniers entre 1940 et 1945 : Ă©dition de l’Harmattan

    

La première année de retour qu’avez-vous fait ?

Quand je suis rentrée, j’avais douze ans. Je suis revenue dans mon pays qui est la France, car je suis Française, et tous mes ancêtres sont Français : Juifs et Français. Depuis mes 8 ans et demi j’étais prisonnière avec ma mère que je n’ai jamais quittée. Quand j’ai été libérée j’avais 12 ans et j’essayais surtout d’être comme les autres. Je ne voulais plus être différente. Je n’avais pas compris pourquoi,  j’avais été emprisonnée, parce que  j’étais juive. Je ne pouvais pas raconter ce que j’avais vécu, c’était inracontable. Mais j’avais mes parents et mes deux grands-mères. J’étais privilégiée.

Lorsque j’ai été libérée par les Russes, j’avais contracté le typhus. Je suis rentrée à Paris malade, on a du  me soigner. Ma mère était encore davantage malade, et tous ces événements lui avaient porté sur la tête, elle avait même du être internée.

J’ai essayé la première année d’entrer en 6ème j’ai évidemment échoué, mais la directrice de l’école qui savait mon histoire, m’a prise en  mains et m’a fait suivre une 6ème à part, ce qui m’a permis d’entrer en 5ème juste après. Mais  j’étais rétive, insolente même avec mes parents et à 15 ans, j’ai décidé d’arrêter mes études. Je voulais être comédienne.

Comme nous habitions dans le même immeuble que Sophie Desmarais, mon père me disait : si tu veux être comédienne, au moins apprends tes textes comme une vraie comédienne…

l’arrestation

Nous avons été arrêtées le 26 juillet 1942 à La Rochefoucauld au moment où nous voulions passer en zone non-occupée. J’ai été interrogée par les militaires de la Wehrmacht, toute seule, petite fille de 8 ans et demi, par des hommes qui me terrorisaient. Ma mère m’avait bien dit « Ne dis pas que tu es juive », et j’ai nié. Mais les Allemands qui interrogeaient ma mère m’ont menacé de nous séparer si elle n’avouait pas être juive. Elle a avoué, et  je suis restée avec ma mère.

Quand vous êtes-vous sentie libre ?

Jamais… Mais qu’est-ce que la liberté ? Est-ce que c’est faire ce que l’on veut ? Est-ce que c’est être libre de son corps ? Mais moi je vis tout le temps, tous les jours là-bas.

Quelle est la phrase qui vous a permis de tenir ?

Je n’ai pas de phrase. Je n’ai pas de mot (et pourtant, au cours de la conversation, elle cite plusieurs phrases) la vie est belle, c’est beau la vie, c’est incroyable d’être vivant.

Une phrase aussi reparait dans le dialogue : La douleur des autres me fait mal.

Et elle aime citer une phrase de sa mère : « plus tu vieillis, plus tu dois être indulgente ». Ma leçon de vie est : TU DOIS TENIR, TIENS BON. Et enfin, cela valait la peine.

ndlr.Toutes ces phrases qui émaillent son discours montrent son caractère positif, créatif, tolérant, et en même temps tenace.

Quelles ont été vos préoccupations essentielles lors de votre retour ?

Je voulais tout d’abord être comme les autres, ne pas être différente, et en ce sens j’avais une grand-mère maternelle extraordinaire, qui est le personnage le plus important de ma vie et qui m’a tout appris. Son nom était : Ester Nordmann.

Tous les Nordmann viennent d’Hegenheim, un petit village alsacien. Elle savait tout faire, elle avait une grande culture, elle savait transmettre le bonheur. Elle m’a raccrochée à la vie. Elle était lumineuse.

Mon grand-père était décédé assez tôt, elle s’était donc remariée avec un ancien colonel de gendarmerie lorrain et catholique. Son nom était Stress. Il m’a également prise en affection et m’a beaucoup appris. Ma grand-mère habitait Faubourg Saint Honoré et a créé un magasin de robes. Je l’ai aidée et vers mes 18 ans, je suis entrée au Printemps, au service décoration. C’est là que j’ai appris mon métier de décoratrice. Je suis ensuite devenue indépendante et j’ai eu une assez belle carrière.

Qu’avez-vous le mieux réussi dans cette vie ? Avez-vous une passion déterminante ?

Je n’ai pas de passion, mais à dire vrai, j’aime écrire. J’aurais aimé être comédienne. J’aurais aimé être sur les planches. Et bien souvent, je suis allée voir des comédiens après la représentation, ne serait-ce que pour traverser le théâtre et la scène.

En fait, Madame Christophe a édité de nombreux ouvrages sur son passé, mais également des poèmes, des nouvelles. Elle est en cela une digne héritière de son père Robert Christophe, écrivain et historien, et dont le courrier et la relation de ces années de captivité sont des témoignages essentiels sur la vie en captivité des officiers français en Allemagne après leur arrestation.

Aujourd’hui que pensez-vous de la vie en général ? De votre vie en particulier ?

J’ai pu garder mon père et ma mère, et j’avais mes deux grands-mères à mon retour, avec leur tendresse et leur amour.

Mais je ne peux pas supporter la douleur d’autrui. Un jour, j’étais invitée pour donner des conférences à Hanovre, à côté du camp où j’ai été internée. Nous étions logés dans un hôtel de luxe et le matin, avec mon  mari, j’ai préféré me faire servir le petit-déjeuner dans ma chambre plutôt que de descendre. Quand j’ai vu arriver le garçon, avec un petit-déjeuner somptueux sur un chariot, j’ai fondu en larmes car tous ceux qui étaient partis et qui étaient morts dans le camp étaient là, près de moi, et je souffrais….Je les voyais tous, tous ceux que j’avais vu, que j’avais côtoyés.

Quels conseils pouvez- vous donner aux jeunes d’aujourd’hui ?

C’est beau la vie. Quand je donne des conférences, il y a beaucoup de jeunes qui sont suicidaires, et je sais que mon  témoignage leur donne parfois confiance. Je sais que j’en ai sauvé certains, et rien que pour ça, je suis heureuse. Je me sens utile.

Le message est qu’ils ne lâchent  pas. Ils ne doivent pas lâcher. Je suis agnostique, pas athée. Ces jeunes, ces adolescents,  je leur dis « chaque fois que vous avez une épreuve, répétez ce que disaient les déportés, même s’ils savaient qu’ils allaient mourir ». TIENS BON, TU DOIS TENIR, TIENS BON. A chaque épreuve, vous emmagasinez des forces pour les épreuves suivantes. Et pour moi, le maitre-mot, c’est l’AMOUR. L’amour de mes parents, alors que j’étais insolente, et l’amour que j’échange avec tous les miens. Et en définitive, j’ai confiance en l’homme.

 

Conclusion

Madame Christophe représente parfaitement l’état d’esprit qui ressort des précédents témoignages. Une grande force de conviction dans la vie, une grande ouverture d’esprit, une grande tolérance, et un sens de l’humain extraordinaire. Petite-fille déportée, elle est encore constamment internée avec sa mère et la vie d’après reste entachée de ses souvenirs, comme tous les  autres témoins. Elle est belle, séduisante, avec une grande distinction et en même temps, une grande douceur.

Commentaires de l’Artiste sur le tableau

Les bleus dominent dans ce tableau puisque le blanc lui-même est bleuté.

La structure en rectangle et en carrés permet avec le cercle central de donner un équilibre qui correspond parfaitement bien à la personnalité de Madame Christophe.

Différents sables issus des plages du débarquement en Normandie ont permis les différentes nuances de bleus.

« La vie est belle » figure sur l’œuvre et c’est la phrase qu’a souhaité mettre en avant Madame Christophe

Lorsque Madame Christophe a vu son tableau, elle s’est exprimée avec chaleur en précisant qu’elle trouvait l’œuvre  conforme à ce qu’elle pensait .

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Le 27 janvier 2015, Mme Francine Christophe reçoit la médaille d’or de la ville de Paris

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Mme Gisele Mandelman et Mme Francine Christophe le 27janvier 2015 Ă  la mairie de Paris



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