Maxi Librati
« Santé »
Maxi Librati a Ă©tĂ© formĂ© pour ĂȘtre forgeron. ArrĂȘtĂ© et dĂ©portĂ© il a toujours cru en sa chance. Au retour des camps, il sâest lancĂ© dans les affaires. Il est devenu un important chef dâentreprise dans le textile et sa gĂ©nĂ©rositĂ© pour les Ćuvres est lĂ©gendaire.
Jâai voulu reprĂ©senter les 3 Ă©tapes de la vie de Maxi Librati en montrant lâhistoire de sa main droite: le poing du forgeron, puis la main de lâentrepreneur qui devient celle dâun mĂ©cĂšne lorsquâelle distribue lâor.
120x90cm
Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du dĂ©barquement, Terre dâAuschwitz
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Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du dĂ©barquement, Terre dâAuschwitz
MAXI LIBRATI  Présentation
NĂ© le 5 FĂ©vrier 1925 Ă Lyon.
ArrĂȘtĂ© le 4 juillet 1943 Ă Lyon dans le train par les SS, transfĂ©rĂ© Ă Drancy.
Part le 2 septembre 1943 pour Auschwitz dans le convoi numéro 59.
Il porte le numéro 145922. En janvier 1944, il contracte le typhus. Il fait la marche de la mort en juillet 44. Le 4 août, il arrive Dachau. Il est délivré par les Américains, il revient en France le 22 mai 1945 et pÚse 29 Kgs.
Quand vous ĂȘtes vous senti libre ?
Je me suis toujours senti libre. Jâattendais. Je savais que je serai libĂ©rĂ©. Pas un seul instant, je me suis inquiĂ©tĂ©. Quand jâĂ©tais Ă Drancy, un homme a dit en voyant les lignes de ma main « Vous avez de la chance, vous allez faire un long voyage, mais vous allez revenir ». Jâavais 18 ans et cette phrase est toujours restĂ©e en moi.
Vous ĂȘtes croyant ? Car la Thora refuse les pythonisses ?
Je ne suis pas pratiquant, mais je crois en Dieu. Je ne suis pas le shabbat mais je suis les fĂȘtes principales.
La premiĂšre annĂ©e de retour quâavez-vous fait ?
La premiĂšre chose que jâai faite fut de penser Ă mes parents. OĂč sont mes parents ?
Jâai attendu au LutĂ©tia mais je nâavais pas de nouvelles.
Il a fallu que je rentre Ă Lyon, mes parents Ă©taient lĂ . Ils nâhabitaient pas Ă la mĂȘme adresse rue Anatole France, mais quel bonheur de me revoir, ils nâavaient pas perdu espoir.
Je nâai pas continuĂ© le mĂ©tier que j âavais appris : serrurier-forgeron.
Je nâen avais plus lâenvie, ce mĂ©tier ne me convenait pas. Et je ne voulais surtout plus avoir les mains sales.
Jâai dĂ©cidĂ© de mâoccuper de vĂȘtements, une famille les KIMMEL qui mâavaient pris comme filleul de guerre, avaient une boutique au coin de la rue RĂ©aumur. Une maison de textile. Et jâai commencĂ© Ă travailler comme vendeur de tissu pendant 2 Ă 3 ans. Jâavais des mĂ©thodes de vente originales : le troisiĂšme mĂštre Ă©tait gratuit par exemple.
En tant que reprĂ©sentant de tissu, jâai rencontrĂ© une personne Liliane et sa sĆur Colette. Liliane est devenue mon Ă©pouse en octobre 1955, jâavais 30 ans et notre fille Patricia est nĂ©e en juillet1956.
Puis jâai quittĂ© la maison dans laquelle je travaillais et me suis installĂ© chez mes beaux parents EDELSZTEJN rue dâAboukir comme vendeur de prĂȘt Ă porter fĂ©minin. Puis un jour jâai voulu mon indĂ©pendance, jâai achetĂ© la boutique dâen face, câĂ©tait en 1963, et je venais de divorcer.
Quelle est la phrase, le mot, la musique, la couleur, la personne qui vous a fait tenir dans toutes vos épreuves ?
Surtout la chance. La chance dâavoir rencontrĂ© Madame KIMMEL qui mâa appris mon mĂ©tier. Oui mais surtout la chance de vivre, dâĂȘtre vivant, dâĂȘtre lĂ encore aujourdâhui. La chance dâavoir eu de tels parents, ils Ă©taient exceptionnels : mon pĂšre Ă©tait un simple manĆuvre, un ouvrier qui travaillait Ă Saint Fons. il avait beaucoup de respect de la famille. Mes parents Ă©taient sacrĂ©s.
La chance aussi dâavoir eu des protections, comme des rabbins vĂ©nĂ©rĂ©s par ma famille qui venaient du Maroc, de Taroudant et Marrakech.
NDLR en dehors de ses parents Maxi Librati avait 15 frĂšres et sĆurs.
Jâai pu connaitre PINHAS COHEN entre 1954 et 1956, il avait dit Ă mes parents lorsque je suis parti que je reviendrai des camps.
Ce rabbin Ă©tait respectĂ© autant par les juifs que par les musulmans, il Ă©tait aurĂ©olĂ© dâune grande spiritualitĂ©.
Et la souffrance ?
Jâai toujours pensĂ© que cela allait sâarranger, que ce que je vivais allait passer comme cela Ă©tait venu. Je ne me faisais aucun souci, jâavais confiance en mon Ă©toile.
Comment considĂ©rez-vous votre vie aujourdâhui ?
La plus belle des choses dans la vie câest la santĂ©. Il faut ĂȘtre en bonne santĂ©. Je ne suis pas matĂ©rialiste, la santĂ© câest lâessentiel. Ma vie ? Câest une vie comme tant dâautres je suis croyant chacun a son destin. Je ne changerai rien de ce que jâai vĂ©cu, mĂȘme pas les camps. Les camps sâĂ©tait un passage dans la vie. Jâai eu la chance dâĂ©chapper Ă la mort. Je nâai aucun regret. Si je devais refaire ma vie je la referais de la mĂȘme façon.
Je nâai jamais eu de cauchemars, je dors bien et jâaurai un jour 120 ans, car il suffit de le vouloir pour les avoir.
Mais pourtant, vous avez fait la marche de la mort ?
Oui. Mais je savais quâil fallait toujours ĂȘtre devant, jamais derriĂšre. Car devant tu gĂšres. Ceux qui Ă©taient derriĂšre, les SS les descendaient. Et quand on est devant on mĂšne le rythme.
Jâai aujourdâhui 2 enfants, 3 petits-enfants et mĂȘme un arriĂšre petit enfant. Câest cela ma chance.
Le mot amour intervient-il dans votre vie ?
Oui, jâaime mes frĂšres, mes sĆurs, ma famille. Mais jâai aimĂ© aussi travailler. JâĂ©tais toujours au travail. Jâadorais ce monde. Jâai crĂ©e « La Gaminerie », et jâai mĂȘme eu des boutiques en franchise dans le monde entier. Jâaime la crĂ©ation. On a envie dâaller de lâavant, de connaitreâŠ
avec son fils Thierry
LâArt est-il important pour vous ?
Oui, si  je vois un tableau qui me plait je lâachĂšte je ne revends jamais, je garde ce que jâachĂšte. Il fait partie de ma vie, de mon entourage.
Et Israël ?
Je nâai jamais eu envie dâaller m’installer en IsraĂ«l bien que j’y ai sĂ©journĂ© Ă de trĂšs nombreuses reprises tout autant pour mon travail que pour le plaisir. Je suis lyonnais de parents dâorigine du Maroc, venus en France en 14-18. Je suis nĂ© Ă Lyon dans le 2Ăšme arrondissement, le 5 fĂ©vrier 1925.
Quel est le message que vous voulez transmettre aux jeunes ?
Soyez en bonne santĂ©, câest le plus beau cadeau que lâon puisse recevoir.
Commentaires
Lâentretien se dĂ©roule dâune façon dĂ©tendue et Mr Librati ne donne plus de dĂ©tails sur les moments de son incarcĂ©ration. Pourtant son expĂ©rience est Ă©pouvantable.
Le livre qui parle de son aventure retrace les faits suivants :
Il ne dit pas quâĂ son retour Ă Paris il pesait 29 kg.
Son expĂ©rience des camps commença par son arrestation le dimanche 4 juillet 1943, lorsquâil est arrĂȘtĂ© par les SS dans le train. Il est interrogĂ© par les Allemands Ă la PrĂ©fecture de police et ensuite incarcĂ©rĂ© Ă la prison du Fort Montluc.
Le 29 juillet 1943 il est dirigé sur le camp de Drancy, entre temps, sa famille grùce à un certain Mr Amblard, est installée dans une propriété à la Tour du Pin, ce qui la sauvera.
Le 1er aoĂ»t Ă 4h30 Maxi arrive Ă Drancy. Le 2 septembre il part dans un train aux wagons plombĂ©s dans le convoi numĂ©ro 59 pour Auschwitz, il a 18 ans. Il arrive le 5 aoĂ»t Ă lâaube.
Au moment de la sĂ©lection Ă lâarrivĂ©e il annonce quâil est serrurier-forgeron : « schlosser ».
Il a la chance dâĂȘtre parmi les 200 personnes Ă©pargnĂ©es de ce convoi, tous les autres furent gazĂ©s et brĂ»lĂ©s. On lui tatoue son numĂ©ro 145922. Puis un jour, il est envoyĂ© au ghetto de Varsovie, qui a Ă©tĂ© complĂštement dĂ©truit pour rĂ©cupĂ©rer tous les matĂ©riaux qui peuvent servir aux Allemands.
3000 dĂ©portĂ©s sont installĂ©s dans des baraques et leur rĂŽle en petits groupes accompagnĂ©s dâun SS et dâun supplĂ©tif polonais, est dâamasser et de tailler les briques des murs effondrĂ©s.
Le ghetto de Varsovie pendant lâinsurrection avant lâincendie
Avril- juin 1943 (image dâarchives)
NDRL : le film « le Pianiste « de Roman Polanski montre un travail identique effectué par des prisonniers.
Puis un jour Maxi doit faire partie du « Todt Kommando » chargĂ© dâincinĂ©rer les cadavres : les corps sont empilĂ©s entre des couches de sciure et de foin et arrosĂ©s dâessence.
En janvier 1944 Maxi contracte le typhus, il a 41 degrĂ©s de fiĂšvre et il va  au » Revier », lâantichambre de la mort. Mais la chance lui sourit, raconte Maxi, le « Block Alterster » qui est homosexuel lui demande de faire sa chambre. TrĂšs organisĂ© Maxi se rend indispensable, par son expĂ©rience de fils ainĂ© dâune grande famille il savait laver, repasser, coudre, frotter les parquets et faire la cuisine.
Le chef du Block est trĂšs satisfait et demande quâil reste Ă son service. En juillet 1944 les Russes avancent et câest la marche de la mort. Les invalides sont Ă©liminĂ©s les autres doivent marcher en direction de Dachau en Allemagne; Maxi part le 29 juillet 44 Ă pied. Trois jours plus tard il arrive Ă Kovno en Lituanie.
Le 4 aout 1944 il arrive à Dachau. Puis il part pour Allach et il est délivré par les Américains. Le 22 mai 1945 il est dirigé vers la France.
Conclusion
Lâensemble de lâentretien ne retrace pas les souffrances que Maxi a du subir, et quâil semble aujourdâhui oublier. Il a souffert terriblement des camps Ă la fois moralement et physiquement. Toutefois, sa force intĂ©rieure, son courage, sa volontĂ© dâen sortir et son amour de la vie ont pris le dessus constamment. Personnage au parcours exceptionnel qui , par son enthousiasme montre un exemple positif extraordinaire.
Commentaire suer le tableau
Ouvrier serrurier au dĂ©part ,Maxi Librati est un manuel douĂ© dâune grande force. Le tableau montre dâabord le poing de lâouvrier  qui sâouvre ensuite environnĂ© dâor car Maxi Librati fut au retour des camps  un grand homme dâaffaires reconnu et apprĂ©cie, crĂ©ateur dâune franchise textile rĂ©putĂ©e. Mais  il nâa pas oubliĂ© et il est devenu lâun des grands donateurs du musĂ©e de Yad Vashem en Istael.
Deux rescapĂ©s dâAuschwitz : Regine Jacubert et Maxi Librati le 27 janvier 2015 Ă la mairie de Paris recevant la mĂ©daille de la ville cĂ©lĂ©brantle 70 Ăšme anniversaire de la libĂ©ration des camps
[youtube]http://youtu.be/AR08TL7DTnU[/youtube]