Charles Gotlieb
« Ne pas oublier »
Charles Gotlieb a perdu tous les siens dans les camps et maintenant il vit seul. sa femme et ses enfants ont aussi disparu. Quand je lui ai demandé « Qu’est ce que la vie pour vous ? » il m’a répondu en regardant la méditerranée « La vie, c’est ça ».
J’ai essayé de retranscrire son émotion.
120x90cm
Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz
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Huile sur toile, Pigments purs, Sables des plages du débarquement, Terre d’Auschwitz
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Charles Gottlieb Présentation
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NĂ© le 25 octobre 1925 Ă Nancy.
Arrêté en tant que résistant à Lyon le 25 juillet 1944, interrogé par  Klaus Barbie, torturé, il est déporté le 11 août 1944 à Auschwitz, libéré par les troupes Américaines à Ebensee le 7 mai 1945
IL porte deux numéros sur le bras gauche : 189193 en tant que résistant et B 89664 en tant que juif.
Charles Gottlieb a écrit son expérience dans un livre intitulé ;  Récit de vie  édité en 2011  par le Conseil Général des Alpes Maritimes.
Charles Gottlieb a étét nommé citoyen d’honneur de la ville de Nice et ,personnalité de l’année 2014 par le Conseil Général des Alpes Maritimes. Il a été  nommé officier de la Légion d’honneur en 2010.Charles Gottlieb est décédé à Nice le 9 mai 2015.
Quand vous êtes vous senti  libre ?
Quand les Américains sont arrivés le 7 mai 1945 à EBENSEE dans le Tyrol autrichien.
Nous étions partis d’Auchwitz dans la nuit du 17 au 18 janvier pour la marche de la mort, nous avons marchés 4 jours sans eau ni nourriture, nous sommes arrivés jusqu’en Tchécoslovaquie et l’on nous a mis sur des wagons plate-forme et nous sommes allés jusqu’à MAUTHAUSEN aux alentours du 25 janvier.
Le matin du 7 mai 1945, les SS n’étaient plus là et vers 11HOO les tanks américains arrivèrent, je pesais 38 Kg.
La première année de retour qu’avez-vous fait ?
Je me suis d’abord soigné à Nancy où j’ai retrouvé mon père, ma mère, ma sœur et mon frère. Ils avaient réussi à échapper aux rafles de l’armée allemande. Puis on m’a envoyé à l’hôtel Majestic à Nice trois semaines en convalescence. Là  , je me suis retapé et je suis retourné à Nancy J’ai rencontré Estelle, une ancienne déportée de Birkenau qui avait 21 ans j’en avais 22..Elle venait s’inscrire. . J’ai travaillé, je me suis marié puis j’ai eu des enfants. En 1946 je me suis inscrit à l’association des déportés internés résistants à Nancy.
Estelle  avait toutes les qualités. Elle est partie il y a deux ans, elles est décédée sans souffrir rapidement et âgée et j’ai encore un très grand  souvenir d’elle.Le dernier soir, à l’hôpital de Cimiez, quand je l’ai quittée elle m’a embrassé sur les lèvres, cela faisait très longtemps qu’elle ne l’avait pas fait. Le lendemain on m’annonça qu’elle était morte dans la nuit.
En 1980 ma femme et moi avons décidé de prendre notre retraite et nous sommes venus à Nice ici dans cet appartement. Au cours de ma vie à Nancy, j’ai eu beaucoup de joie avcec mon épouse. Nous avons été très heureux nous avons eu une fille et un garçon. J’étais chineur. On a beaucoup travaillé. Puis j’ai eu une affaire de prêt à porter, enfin j’ai remonté une autre affaire de fabrique de robes en jersey. Mais en 1979, j’ai perdu mon fils de 19 ans, J’ai arrêté. Plus tard, j’ai perdu ma fille à 60 ans et il y a deux ans ma femme est partie d’un cancer. La seule consolation que j’ai, c’est qu’elle est partie sans souffrir.
Je vis maintenant avec une compagne Rebecca, que vous avez vue.
Quels sont  la phrase, le mot, la musique, la couleur, la personne qui vous ont  fait tenir dans toutes vos épreuves ?
C’est la vie. J’aime la vie. J’aime pouvoir m’offrir ce que j’aime. J’aime travailler. On a gagné ensemble avec ma femme, on ne comptait pas nos heures. On a travaillé infiniment.
Et la souffrance ?
J’ai eu faim. La faim. J’avais 19 ans, j’ai eu faim. Une faim atroce.
J’ai un souvenir. Le jour où j’ai vu Himmler à Auchwitz, il était avec des délégués de la croix rouge et ce jour là on a eu une soupe avec du lait et des légumes, je m’en souviens encore, autrement les conditions étaient épouvantables.
A 16 ans et demi, j’étais dans la résistance, je donnais des coups de mains . J’ai été arrêté le 25 juillet 1944, place Bellecour à Lyon  le jour où l’on fusillait 5 résistants.
 NDLR ; le 25 AOUT 1944 Paris fut libéré.
Nous avons été arrêtés  pas de jeunes Français portant le brassard PPF (Parti Populaire Français, fondé et dirigé par Jacques DORIOT). Ils nous emmènent à la Gestapo avec mon ami Félix BIRENBAUM et nous avons été questionnés par Barbie au siège de la Gestapo. J’ai été torturé puis nous avons  été déportés à Auchwitz.
Dans les camps, vous êtes vous fait des amis ?
Non, je n’avais pas d’amis. Nous ne parlions pas la même langue, il y avait des Polonais, des Russes, des Grecs, des Hongrois.
Ces Hongrois qui furent massacrés à partir du 15 août 1944. Plus de 400.000 juifs hongrois ont été gazés et brûlés à Auchwitz
Comment considérez vous votre vie aujourd’hui ?
Ce que je veux c’est être heureux. Ma vie ? C’est que je soye heureux. Que j’aie un beau panorama à mes pieds, que j’aie une belle vue, pas de soucis du lendemain et que je rencontre des gens qui soient heureux de me voir.
les mains de Charles Gottlieb à Nice le 24 février 2014 lors de la présentation des rescapés de la Shoah au centre Elie Weizel
Et Dieu ?
Je ne crois pas en Dieu. Je vais vous dire. Un jour j’ai rencontré un rabbin qui savait que je revenais des camps et à qui j’ai posé la  question sur Dieu ? Et le rabbin m’a répondu ; parce qu’on a été punis. Et je lui ai répondu « pourquoi les bébés qui étaient dans les bras de leurs mères, ces bébés innocents ont été punis alors ? Qu’est-ce qu’ils avaient fait de mal ? Qu’est ce qu’ils avaient bien pu faire de mal ? Expliquez moi la mort des nouveaux nés ?
Il n’a pas su  me répondre ;
Mes parents Ă©taient des traditionnalistes. Ils suivaeint les grandes fĂŞtes Pessah, Yom Kippour, le nouvel an, mais ils ne faisaient pas shabbat
Mon père était arrivé en 1920 de Pologne pour travaillé dans les fonderies de Pont St Vincent, c’était un ouvrier.
Et le pardon ?
Je hais les nazis de l’époque, mais je n’en veux pas aux Allemands d’aujourd’hui qui ne sont pas responsables de leurs parents.
En fait, la formation des SS venait de l’enfance ; A partir de 5 ans on les formait on les déformait. On peut transformer les gens.
Et vous savez, il faut bien qu’il y ait des intelligents et de couillons et les couillons sont là pour être exploités par les intelligents.
Il paraît que les Allemands d’aujourdhui veulent que les juifs reviennent ? je l’ai entendu dire.
Qu’ils aillent se faire……. !…
NDLR Mr Gottlieb emploie un mot en yiddish qui veut dire brûler.
Et que pensez vous d’Israel ?
Il y a trente ans , j’y suis allé avec ma femme passer quelques jours. On a été bien reçu mais je n’ai pas eu envie d’y habiter et d’y vivre . On avait une situation en France, il aurait fallu démarrer de rien comme une cloche. J’aime le  milieu  juif, mais je suis né français à Nancy. J’aime la France. Je dis aux enfants que je rencontre, « Je ne suis pas un héros, je suis un Français qui aime son pays ». Je suis un homme simple venu du peuple, je suis né rue Notre Dame à Nancy.
Si vous voyez mes décorations, c’est parce que j’ai été un résistant.
Quand le 1er septembre 1939 les troupes allemandes envahirent la Pologne, mes parents mon frère, ma sœur et moi avons quitté Nancy pour nous réfugier à la Palisse dans l’Allier, où nous fûmes recueillis par une famille française Mr et Mme BESSON et en  juin 1940 quand nous ne pouvions plus retourner à Nancy, ils nous ont suggéré de nous installe dans leur seconde maison au Giraud à 4 kms de la Palisse ;
Et là nous avons travaillé pour vivre.
Mais en juin 42 j’avais 17 ans, j’ai informé mes parents que j’allais rentrer dans la Résistance. Mes parents y étaient hostiles mais j’étais décidé. Nous avons pris un train pour Mayet de Montagne puis nous sommes allés à Thiers et là , j’ai commencé les opérations. Puis nous sommes allés à Roanne où j’ai fait du sabotage à l’Arsenal, puis je suis parti à Lyon où la j’ai intégré le réseau « CARMAGNOLE LIBERTE » après avoir rencontré Henri KRICHER. je me suis installé chez Félix BIRENBAUM, un autre résistant qui devint mon ami.
Quel est le message que vous voulez transmettre aux jeunes générations ?
Faites attention, n’écoutez pas ceux qui vous disent que les fours crématoires « sont un détail.
Commentaires sur le tableau
Lors de l’entretien avec Monsieur Charles Gottlieb, lorsque je lui ai demandé ce qu’il pensait de la vie en général il m’a répondu , »Mon fils est mort à 19 ans ,ma fille est décédée d’un cancer et ma femme est partie également en me donnant son dernier baiser . Jje suis seul maintenant ! J e restais muet devant cette solitude après tant de morts quand il a enchainé . « Mais la vie voyez- vous c’est comme cette mer Méditerranée ;c’est cela la vie. ! »
Voila pourquoi le tableau fait référence au bleu intense de la mer que Monsieur Charles Gottlieb peut  voir tous les matins…. Ce qu’il ne dit pas en revanche c’est que tous les mois  il emmène des lycéens à Auschwitz et que tous les jours il va témoigner sur la Shoah  dans les collèges de la région Niçoise.
Mr Charles Gottlieb devant son tableau