Gabriel Bénichou

2013 - 12 - 27 - Alain Husson-Dumoutier - _MG_7046aa« Aimer »

 

Etudiant, Gabriel Benichou a été arrêté à Marseille par la Gestapo. Après 2 marches de la mort, il revient marqué à jamais. seule une femme et son amour ont pu le sortir de sa désespérance. Le tableau représente un arbre sous la neige, celle de la pureté, de la beauté, de l’infini, soutenus par le mot Aimer.

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Huile pigments purs, sables des plages du débarquement  et terre d’Auschwitz sur toile

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Capture d’écran 2015-08-09 à 18.18.23Gabriel BENICHOU Presentation

 

Mr Benichou a été mis en contact  par l’intermédiaire de Mr Bernard Hejblum, qu’il a rencontré lors d’un témoignage à Nice.

Gabriel Beniochou est né à  Tlemcen (Algérie) le 15décembre.1926

Il a été arrêté le dimanche  soir 18 avril 1943 à Marseille par la  Gestapo avec sa sœur et son beau-frère. Il a été emprisonné à la prison  Saint Pierre à Marseille puis transféré à Drancy  le 21 avril 1943.Il est  expédié le  18  juillet 1943 à Auschwitz par le Convoi n°57.  Sa sœur est morte en 1943 à Auschwitz. Il est envoyé à Birkenau jusqu’en octobre 1943. Il a été libéré par les Américains le 2 mai 1945.

Son numéro à Auschwitz  est : 130509. Il est envoyé au camp de concentration de  Varsovie d’octobre 1943 à Août 1944.Il reçoit alors le  n° 215     Il part pour  la première marche de la mort, de  Varsovie à Kutno. Il Arrive à Dachau en août  1944 Il reçoit alors  le n° : 89143

Puis il est   expédié à Kauffering et Landsberg jusqu’en avril 1945.Il part pour la deuxième marche de la mort de Landsberg à Dachau vers le Tyrol  en avril 1945 Il est libéré le 2 mai 1945 à Bad Töts (en Bavière) par les Américains.

Il est alors rapatrié en en France. Il est l’  auteur du livre :

l’adolescence d’un juif d’Algérie-130509,2150,89143.  édité chez l’Harmattan

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Gabriel Benichou chez lui le 19 avril 2013

Présentation

Monsieur Benichou me reçoit chez lui à Paris avec sa fille Catherine CHALFINE.

L’appartement est situé à un étage élevé dans une tour en bord de seine du 15ème  Arrondissement. La vue sur Paris est magnifique. L’appartement est cossu, chargé de souvenirs.

Mr Benichou est mince, souriant ,aimable, avec un visage encore juvénile, des yeux brillants. On sent  pourtant en lui une grande tristesse.

L’atmosphère de l’entretien est chargée d’émotion, la notion des souvenirs n’est pas toujours très précise, il est aidé à certains moments par sa fille.

Quand vous êtes-vous senti libre ?

J’ai toujours été libre. Enfant avec mes parents, je pouvais me promener, j’ai toujours eu un  sentiment de liberté et de bonheur quand j’étais en Algérie.

Mais en ce qui concerne la déportation, je  ne me suis senti vraiment libre que lorsque les Américains sont arrivés dans le petit village de Bat -Töts.

Je dois dire surtout que j’ai fait les 2 marches de la mort.

La première quand nous sommes partis de Varsovie à pied en colonne par 5, avec un SS tous les 50 mètres et toute personne qui tombait, était immédiatement exécutée et jetée dans le fossé. Cela a duré 10 jours.

On est arrivé à  Kutno, puis de Kutno nous sommes allés en train à Dachau. On était 60 dans le train, on est resté 3 jours sans boire, ni manger. On buvait notre urine.

La 2ème marche de la mort, c’est quand je suis revenu à Dachau après Landsberg en avril 1945.

Quand j’étais à Varsovie en camp de concentration, je voyais les allemands brûler les cadavres. Ils mettaient une couche de cadavres, une couche de bois, une couche de cadavres, une couche de bois et ainsi de suite, puis ils aspergeaient le tout   d’essence et mettaient le feu.

Quand vous avez été libéré qu’avez-vous fait la première année ?

En rentrant à Paris, j’étais logé à l’hôtel « Turgot », mais l’allais  tous les jours à l’hôtel « Lutétia », et un matin, j’ai entendu qu’on appelait le docteur Israël (c’était le nom de mon beau-frère), je me suis précipité et je l’ai retrouvé vivant. Malheureusement, ma sœur était morte.

Il m’a dit qu’il fallait  que je rentre en Algérie pour voir mes parents, mais moi je n’en avais pas envie, je ne voulais pas. Je voulais être quelqu’un d’abord, en fait,  j’étais  « cinglé ».(sic)

Alors mes parents ont écrit à mon frère qui était militaire en Allemagne . Il était au 9ème  régiment d’infanterie coloniale avec de Lattre de Tassigny. Il avait fait le débarquement et était en garnison à Munich.

Il est venu à Paris me voir. Il m’a dit : « il faut que tu rentres ».

Ma mère avait eu 9 enfants. Elle était mère tous les 2 ans et elle m’attendait impatiemment. Quand elle m’a vu, elle est tombée dans les escaliers en pleurant.

J’avais pris le train à Paris pour Lyon, puis de Lyon l’avion pour aller jusqu’à Marseille Enfin le  bateau l m’a transporté  de  Marseille à Alger

Quand je suis arrivé à Alger pour prendre le train pour aller à  Tlemcen, je suis allé voir le commandant de la place qui ne savait pas ce qu’était un déporté  ? Militaire oui, résistant oui, mais déporté, cela lui était inconnu !

Mais quand je suis arrivé à Tlemcen toute la famille était là. J’ai repris mes études. A mon arrestation j’étais en 2ème, je suis donc rentré en 1ère en session spéciale et j’ai passé le bac à Tlemcen en janvier-février.

Puis je suis allé à Alger pour suivre des cours de pharmacie. Mon père avait le plus  grand magasin de Tlemcen que  l’on surnommait les « Galeries  Lafayette » à Tlemcen et j’ai pu faire 3 ans d’études à Alger puis  j’ai fini mes études à Paris.

Quand j’ai eu  fini mes études de pharmacie, mon père m’a dit « C’est bien mon fils, je suis fier de toi, mais mets ton diplôme dans ta poche et vient travailler sérieusement avec moi ».

Comment vous sentiez-vous à cette époque ?

J’étais bien au début, mais toutes les nuits je retournais à Auschwitz, puis  par la suite moralement cela n’allait plus,  « Je ne voyais pas ce que je faisais sur terre en toute liberté, je ne voyais pas l’utilité de cette horrible épreuve, ni celle d’en avoir réchappé, à quoi cela pouvait servir, en bref, je n’avais plus envie de vivre. Tout ce que je faisais me semblait vide de sens, aussi bien les gestes de la vie quotidienne, que la vie professionnelle, ainsi que toute notion spirituelle, intellectuelle, religieuse et  philosophique. C’est Hilda, que j’avais rencontré qui m’a soutenu, encouragé, houspillé, grondé,…elle a fini par me sortir de cette passe difficile. Elle a toujours été ma bouée de sauvetage. « 1 

Qu’avez-vous fait après ?

Après pharmacie, j’ai fait une spécialité de biologie à Paris et j’ai créé un laboratoire d’analyses médicales à la Madeleine. Puis j’ai fait médecine. Je suis donc à la fois, pharmacien, médecin et biologiste. Mon laboratoire s’appelait le Laboratoire du Parc Monceau.

Comment considérez-vous votre vie aujourd’hui ?

Je me suis marié et nous avons eu 2 enfants, un garçon et une fille. J’ai sept petits-enfants, 3 chez ma fille et 4 chez mon fils et 10 arrières petits-enfants.

Ma fille est médecin angiologue, mon fils est professeur de philosophie, puis est devenu psychologue conseil en organisation à la Chambre de Commerce de Paris.

Puis il s’est installé à Saint Maximin dans le sud de la France pour devenir vigneron.

Mais je dois dire que ma femme est décédée en 2005 et que son souvenir est toujours en moi.

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Gabriel Benichou avec sa fille Catherine

Avez-vous  eu envie de vivre en Israël ?

Non. Je n’ai jamais voulu vivre là-bas à cause de la guerre.

Et Dieu ?

J’ai toujours cru, mais dans le camp on ne suivait pas les fêtes. Mon père était très pieux et très présent dans l’enseignement hébraïque. Il était Président du Dernier Devoir (hébra kadicha).

Moi-même, je faisais ma prière tous les matins et un jour à Auschwitz, un déporté m’a dit : « Demain c’est Kippour », alors j’ai jeûné.

« Que sont  les déportés ? Sont-ils des êtres vivants ?Des morts ambulants ?Des fantômes dans une ville étrangère à laquelle ils ne comprennent rien ?

Pensons à ces survivants qui ont perdu leur familles, leur identité, leurs  biens, leur santé, leur esprit. Ils ne connaissent plus personne, il ne peuvent pas aimer, être aimés ni être aidés. Ils ne savent plus qui ils sont dans cet univers, cette société. Ils n’ont plus d’argent, de situation, de moyens de vivre.

Leur santé est chancelante. Combien ont disparu d’épuisement, de maladie, de tuberculose. Sans compter l’égarement moral et psychique. On rêve toujours de façon idyllique de ce qu’on a perdu.

Pendant la captivité le rêve de la liberté, la vie dans un monde sans entrave n’avait aucun rapport avec la dure réalité de la vie pratique. »2

Quel est le message que vous voulez transmettre aux jeunes générations ?

 Aucun.

Sinon, peut-être celui de l’Amour, car c’est l’amour d’Hilda qui m’a sauvé .

Au cours de l’entretien Monsieur Benichou cite une phrase qu’il avait l’habitude de dire  sur sa situation de déporté pour expliquer le silence dans lequel il était condamné:

« Les oreilles se sont bouchées et les bouches se sont tues ».

Pourtant, une phrase émerge , elle  figure dans son livre . Il la  confirme ensuite au cours d’une   conversation

« Rester juif, c’est avoir foi envers ses préceptes qui conduisent à l’amélioration de l’humanité »

 

Conclusion

Monsieur Benichou malgré sa  tristesse, va dans les écoles, les lycées et prononce  des conférences pour témoigner sur sa période où jeune homme il était déporté.

Son  engagement pour les jeunes est constant et il montre que le don de soi contribue  non seulement à garder sa dignité, mais aussi, à transmettre son expérience pour aider à la formation des lycéens qu’il rencontre.

 Marqué par son deuil ,sa famille lui est d’un grand secours.

1 e 2 -extraits du livre :l’adolescence d’un juif d’Algérie.

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Le 27 janvier 2014 lors de la présentation de l’exposition des Rescapés de la Shoah-Courage Volonté Vie , Irina Bokova Directrice Générale de l’UNESCO et Samuel Pisar, Envoyé spécial de l’UNESCO pour l’enseignement de l’Holocauste devant le tableau de Gabriel Benichou : Aimer

 



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